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Plante locale : des défis à relever

Destinées à des usages spécifiques, les plantes labellisées « Végétal local » n'ont pas vocation à remplacer les plantes horticoles. Ici, la multiplication de semences labellisées en plein champ.PHOTO : GNIS - HÉLÈNE LEMAIRE

Le vocable « Végétal local » recèle différents enjeux, en termes de biodiversité, d'économie..., que les pépiniéristes du Pôle « paysage » de la FNPHP ont évoqués lors d'une table ronde, à Paris, mercredi 18 janvier dernier.

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Un végétal local, qu'est-ce que c'est ? « Une plante cultivée localement », diront certains. « Vendue et achetée localement », préciseront d'autres. Les plus écologues opteront pour l'approche « biotope » prenant en compte les interactions génétique, sol et climat. Ces différentes définitions liées au terroir, au caractère endémique, à l'histoire de la plante..., aussi valables l'une que l'autre, entretiennent un flou dans les discussions. Or, qu'il s'agisse de la préservation de la biodiversité ou de la survie de la profession, la thématique « plante locale » alimente les débats depuis plusieurs années, notamment avec le lancement en 2015 des labels « Végétal local » et « Vraies messicoles » (voir encadré ci-dessous). La réunion du 18 janvier dernier organisée par le Pôle paysage de la Fédération nationale des producteurs de l'horticulture et du paysage (FNPHP), à Paris, n'a pas dérogé à ce constat. L'objectif de ces journées (*), a rappelé Michel Le Borgne, pépiniériste (pépinières Drappier, 59) et animateur du Pôle paysage, est de mieux cerner les attentes des clients (collectivité, bailleurs sociaux...).

Faire valoir la proximité face à la concurrence étrangère

L'engouement pour le « local » est réel, en témoigne la multiplication des projets d'aménagements requérant des plantes indigènes. Ces dernières offrent des atouts en termes d'adaptation aux conditions pédoclimatiques du site, nourrissent l'entomofaune et assurent une réserve de diversité génétique. S'agit-il d'une mode ou d'un vrai phénomène de fond ? Les producteurs s'interrogent. Pour Laurent Châtelain (pépinières Châtelain, 95), la profession a déjà un train de retard, quatre ans en fait : il aurait fallu intervenir lors de la démarche de mise en place du label « Végétal local ». Pour le pépiniériste, même s'il ne doit concerner que des marchés de niche, il offre une opportunité : celle de faire valoir une production de proximité face à la concurrence étrangère. Et il permet par ailleurs au producteur labellisé de proposer une palette végétale peut-être plus adaptée aux conditions du « Zéro phyto » et de stress hydrique.

Un engagement sous contraintes

Se lancer dans la démarche n'est toutefois pas de tout repos. Le référentiel du label est précis, et impose des contraintes en termes de récolte des graines, de zones géographiques de production, de plantation et d'utilisation, etc. L'activité nécessite une gestion de lots et une traçabilité importante. Mais la difficulté principale consiste à faire coïncider l'offre et la demande : entre la récolte des graines et les premiers plants, il peut se passer plusieurs années. Or le coût de production du végétal local, en particulier pour les arbres et arbustes, s'avère élevé : récolte dans des sites différents éloignés de cinq kilomètres, étiquetage, taux de multiplication et de germination souvent bas... avec au final un produit plus cher à la vente. C'est pourquoi le label pose la question cruciale des contrats de culture. Le cadre strict de ce référentiel peut s'avérer « trop restrictif par certains aspects », selon Olivier Filippi, spécialiste des plantes sauvages de milieu méditerranéen (34) : pour certains arbres pollinisés par le vent, la récolte de graines sur trois sites différents, distants de cinq kilomètres, ne se justifie pas et augmente les coûts de production.

Label : une typologie d'usages à préciser

Si le label « Végétal local » se justifie pour certains espaces naturels ou semi-naturels ou dans le cas de travaux de restauration écologique, « une telle exigence écosystémique n'a pas d'intérêt pour un square urbain », précise Gérard Largier, de la Fédération des conservatoires botaniques nationaux, porteur du label en partenariat avec Afac-Agroforesteries et Plante & Cité. En effet, l'enjeu n'est pas de remplacer l'ornemental, mais de segmenter le marché afin de répondre aux attentes du génie écologique. Les producteurs se sont accordés sur l'appropriation du label, à mauvais escient, par certains élus soucieux de communiquer durable. Il manque une typologie des espaces pour lesquels « Végétal local » a sa raison d'être. Trames vertes et bleues, parcs extensifs, restauration d'écosystèmes, agroforesterie, reconstitution de haies, réhabilitation de carrières, mesures compensatoires (Loi biodiversité)... les usages possibles ne manquent pas, sans avoir à empiéter sur les espaces verts urbains et d'ornement. Fort de ce constat, le Pôle a résolu de proposer des modifications du CCTP (**) type visant à faciliter des achats « durables » de végétaux sauvages d'origine locale. Rédigé dans le cadre de l'animation du label « Végétal local », sa parution interviendra sous peu. « Un autre écueil serait de penser que "plantes labellisées" signifie "ne nécessitant pas d'entretien" », intervient Éric Stremler, chef du service de production horticole du territoire 11. « En milieu urbain, le sol est anthropisé et les plantes ont toujours besoin de soins après la plantation. »

« Il y a urgence à ne pas se presser, surtout en ce qui concerne les arbres », prévient pour sa part le pépiniériste Daniel Soupe (01), précurseur dans la production d'essences locales : le risque est de susciter une demande à laquelle la profession n'est pas encore capable de répondre à cause des délais de production des grands ligneux (de 10 à 15 ans).

Production de proximité : soutenir l'économie

Le terme « local » recèle un autre enjeu important pour la production : celui de cultiver et vendre localement des végétaux adaptés aux conditions pédoclimatiques régionales. En Allemagne, l'achat territorial, voire dans les lands, est privilégié et sera bientôt obligatoire. Comment inciter les collectivités françaises à soutenir l'économie locale en se fournissant auprès des producteurs de proximité ? « Nous nous différencions sur des gammes non produites à l'étranger et nous travaillons sur les spécificités techniques de nos produits », indique Guilhem Bost, des pépinières Lepage (49). L'entreprise propose moins de tourbe dans son substrat, elle augmente la quantité de plantes issues de semis, segmente sa gamme (terrain sec, couvre-sol...), etc. « Mais est-il normal qu'en France un producteur doive perdre autant de temps pour réussir à vendre ses végétaux ? », s'interroge Olivier Garcin, dirigeant des pépinières Allavoine (91). Certaines collectivités parviennent très bien à rédiger un appel d'offres de façon à permettre l'accès aux fournisseurs locaux. De plus, le décret de mars 2016 relatif aux marchés publics offre de nouvelles armes pour aller dans ce sens (voir l'encadré ci-dessus). Le label « Fleurs de France » doit permettre de mettre en avant les productions nationales. Reste aux pépiniéristes à faire valoir leurs atouts (service, conseil, déchargement...) et aux élus à n'oblitérer aucun des trois piliers du développement durable.

Valérie Vidril

(*) Voir le compte rendu de la table-ronde, organisée en 2016, paru dans le Lien horticole n° 960, pp. 20-21, Arbres : travailler ensemble sur la palette végétale de demain. (**) Cahier des clauses techniques particulières.

Des enjeux écologiques Les plantes sauvages locales répondent à différents enjeux : elles nourrissent l'entomofaune, sont adaptées aux conditions pédoclimatiques du site, assurent une réserve de diversité génétique... Ci-contre, un plant de Prunus spinosa labellisé « Végétal local ».

PHOTO : GNIS - HÉLÈNE LEMAIRE

Des enjeux économiques Mode ou vrai phénomène de fond, le label « Végétal local » n'occulte pas la préoccupation majeure des pépiniéristes : vendre leurs productions. Ici, une parcelle de plants labellisés.

PHOTO : GNIS - PAUL DUTRONC

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